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fonctions de sa dignité, mais encore. dans les derniers temps de sa vie, pour lui aider à vivre et mourir ; il aura fui sa présence, il aura été partout, hormis auprès de lui ; l'aversion et l’incompatibilité lui auront servi de prétexte pour ne point faire son devoir et il ne seroit pas un peu battu des Furies[1] présentement! cela ne seroit pas juste, et je serois au désespoir qu’il ne sentit point cette peine : toute ma crainte, c’est qu’elle ne soit pas assez longue. Pour moi, j’aimois mon cher bien Bon, je n’avois nulle peine à lui rendre mes soins ; mais si j’en avois eu je crois que je les aurois sacrifiées à la crainte d’avoir des reproches à me faire : il’ n’y a pas moyen d’être si mal et si brouillé avec soi-même ; il faut tâcher d’établir la peur dans son cœur et dans sa conscience. Je me souviens de ce que j'ai vu à Grignan ; cela prend sur la bonté du cœur. Heureux qui peut l’avoir aussi bon que vous, qui ne savez[2] point ignorer vos sentiments et votre amitié, qui la sentez, qui la trouvez toujours, qui en faites un bon usage pendant la vie de ceux que vous aimez ! Eh! pour quand les veut-on garder ? pour quand on est mort ? Il est bien temps ! On donneroit volontiers sa quittance en ce temps-là, et qu’on rendît la vie, et surtout la fin de la vie, pleine de douceur, de confiance et d’amitié. Voila sur quoi je compte pour la consolation de mes derniers jours.

Voilà une plume qui a bien pris l’essor ; mais c’est que je suis en colère : n’avois-je pas raison? Vous le savez comme moi.

  1. 8. Voyez plus tant, p. 233.
  2. 9. Laissez a remplacé savez dans la première édition (1827).