planter là ? Je ne le souffrirai point : je veux absolument savoir ce qu’est devenue cette bonne et juste résolution de la princesse ; j’ai bien peur qu’elle ne se soit évanouie par la nécessité des affaires, par le besoin qu’on a du ministre, par le voyage précipité, par l’impossibilité de ramasser les feuilles de la Sibylle follement et témérairement dissipées et jetées en l’air[1] pendant dix ans. Enfin je crains que toutes vos bonnes intentions ne servent de rien, comme je l’ai vu tant de fois depuis vingt ans : il faut une suite à cette histoire, qui n’est que trop sérieuse par rapport à vos affaires. Il faut que je sache aussi le succès du voyage de M. Prat[2] auprès de l’amant forcené de la princesse Truelle. Je voudrois bien savoir qui étoient ces confidents du premier ministre et de la favorite, qui recevoient les courriers. Dites-moi si vous êtes toujours contente de Flame[3] : c’est un personnage bien considérable dans votre grande maison. Je vous demande des nouvelles du voyage de ce Comte, et si le trésorier fera selon ses intentions : voilà, ma très-chère, bien des questions : je vous en fais des excuses. Vous êtes trop aimable d’aimer mes lettres : quand vous en recevez trois à la fois, vous dites que vous êtes riche ; mais quelle fatigue ! elles sont d’une longueur qui devroit vous empêcher d’y répondre si exactement. Adieu, ma chère belle : comment vous portez-vous du carême? pour moi, je m’en trouve fort bien. J’ai pris ce matin du tripotage de café avec du lait ; je n’en suis point encore dégoûtée, non plus que des sermons ; car nous ne tâtons que de ceux de M. le Tourneux et de saint Jean Chrysostome.
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