faut pas songer à la taille de son père : on m’en dit du bien, il est honnête, il est joli; mais c’est un malheur qu’à ce premier avènement à la cour, à ce premier coup d’œil, le petit colonel n’ait été soutenu d’aucun des siens : pour moi, je crois qu’ayant vu qu’il étoit chargé de tout, il aura fait des merveilles.
M. de Chaulnes m’écrit dé Rome une grande lettre d’amitié, et se plaint que je l’abandonne bien dans sa solitude ; je lui mande que c’est que je n’ai pas le loisir de lui écrire, que je suis accablée d’affaires, et autres sottises. Vous verrez par mon petit billet de Bigorre que nous avons lieu d’espérer l’heureux succès de ces grandes et difficiles négociations, et que ce qu’on pourroit appeler impossibilité à l’égard d’un ambassadeur moins accoutumé que celui-ci aux manières de Rome, s’aplanira infailliblement en sa faveur : vous verrez au moins que le Roi est content, et qu’il paye bien son ambassadeur. Le cardinal d’Estrées a vu Mme de la Fayette ; il revient de Turin : cela fait un grand sujet de conversation ; mais je crois que Rome n’aura pas été oubliée. On dit que cette Éminence parle du pape, et qu’il ne prononce pas le nom de M. de Chaulnes : cela me paroît difficile, comme de jouer à ce jeu où il ne faut dire ni oui ni non. Est-il vrai que M. du Plessis soit retourné à Paris ? Vous ne m’avez point dit ce qui vous a fait changer sur son sujet : j’ai vu que vous en étiez contente. Vous êtes trop aimable des soins et des attentions que vous avez pour votre maman ; je me porte toujours très-bien, la sobriété du carême est salutaire : envoyez-nous de vos belles truites de Lisle[1], nous vous enverrons d’un beurre qui vous réjouira le cœur. Je fais mille amitiés à M. de
- ↑ 3. Chef-lieu de canton du département de Vaucluse, dans une île de la Sorgue, à cinq lieues et demie d’Avignon.