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Dieu de quel ton, de quel cœur (car les tons viennent du cœur), de quelle manière m’y parlez-vous de votre tendresse ? Il est vrai, ma chère Comtesse, que l’affaire d’Avignon est très-consolante si, comme vous dites, elle venoit à des gens dans le courant de leurs revenus, quelle facilité cela donneroit pour venir à Paris ! Vos dépenses ont été extrêmes, et l’on ne fait que réparer ; mais aussi, comme je disois l’autre jour, c’est pour avoir vécu qu’on reçoit ces faveurs de la Providence ; cependant, ma fille, cette même Providence vous redonnera peut-être, d’une autre manière, les moyens de venir à Paris : il faut voir ses desseins.

Il n’est pas aisé de comprendre que Monsieur le chevalier, avec tant d’incommodités, puisse faire une campagne mais il me paroit qu’il a dessein au moins de faire voir qu’il le veut et qu’il le desire bien sincèrement ; je crois que personne n’en doute. Il a une véritable envie d’aller aux eaux de Balaruc [1] j’ai vu l’approbation naturelle que nos capucins donnèrent à ces eaux, et comme ils le confirmèrent dans l’estime qu’il en avoit déjà ; il faut lui laisser placer ce voyage comme il l’entendra ; il a un bon esprit, et sait bien ce qu’il fait. Mais notre marquis, mon Dieu, quel homme ! nous croirez-vous une autre fois ? Quand vous vouliez tirer des conséquences de toutes ses frayeurs enfantines, nous vous disions que ce seroit un foudre de guerre, et c’en est un, et c’est vous qui l’avez fait en vérité, c’est un aimable enfant, et un mérite naissant qui prend le chemin d’aller

  1. LETTRE 1173. 1. Sur l’étang de Thau, canton de Frontignan, arrondissement de Montpellier. Les eaux de Balaruc sont renommées pour les maladies chroniques et les obstructions. Voyez ci-après, p. 116, note 6, et la lettre du 28 septembre, note 1. Le membre de phrase suivant. « j’ai vu l’approbation… qu’il en avoit déjà, » manque dans l’édition de 1737.