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ET moi, que puis-je dire après cela, ma petite sœur? voilà précisément tout ce qui me passoit par la tête. J’ai ri aux larmes de cette peinture que vous nous faites vous-même avec tant d’imagination et de vivacité. Cette gaieté, qui consiste, pour tout emportement, à manger du boudin au lieu de manger du bœuf, et à danser des danses qu’on ne sait point, est si fort de l’âge de Pauline, qu’on voit bien que cela est représenté au naturel ; mais puisque ma mère a dit tout ce que je pensois sur les différentes scènes que cette jolie personne a jouées devant vous, et que je ne ferois que rebattre pauvrement ce qu’elle dit très-agréablement, je vais vous dire, moi, très-fortement ce qu’elle n’a fait qu’effleurer bien légèrement : c’est que du plus grand sérieux du monde, je vous conjure, et votre belle-sœur aussi, de nous envoyer, quand vous le pourrez, le portrait de Pauline. Il passe souvent des peintres qui viennent de Rome ; il y en peut avoir de bons à Aix; enfin nous vous demandons ce plaisir avec toute sorte de tendresse et d’empressement. Toute personne qui décompose le sérieux de M. de Grignan au point que vous le représentez, et qui suspend le supplice du malheureux Sisyphe2, ne me paroit pas une mortelle. Mais pendant que ce capitaine, tantôt jeune homme et tantôt vieux officier, contoit ses prouesses et ses bonnes fortunes, que disoit M. de la Garde? n’étoit-il pas ému comme les autres ? Vous ne sauriez vous imaginer combien nous sommes entêtés des charmes de Pauline ; parlez-nous-en toujours : elle étoit si petite quand je l’ai vue, qu’en vérité j’ai besoin que vous me disiez comme elle est aujourd’hui ; ne connoissez-vous personne qui puisse

2. Du chevalier de Grignan, malade de la goutte.