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Vraiment, vous me gâtez bien, et mes amies de Paris aussi : à peine le soleil remonte du saut d’une puce[1], que vous me demandez de votre côté quand vous m’attendrez à Grignan ; et elles me prient de leur fixer dès à cette heure le temps de mon départ, afin d’avancer leur joie. Je suis trop flattée de ces empressements, et surtout des vôtres, qui ne souffrent point de comparaison. Je vous dirai donc, ma chère Comtesse, avec sincérité, que d’ici au mois de septembre, je ne puis recevoir aucune pensée de sortir de ce pays ; c’est le temps que j’envoie mes petites voiture[2] à Paris, dont il n’y a eu encore qu’une très-petite partie. C’est le temps que l’abbé Charrier traite de mes lods et ventes[3] qui est une affaire de dix mille francs : nous en parlerons une autre fois; mais contentons-nous de chasser toute espérance de faire un pas avant le temps que je vous ai dit. Du reste, ma chère enfant, je ne vous dis point que vous êtes mon but, ma perspective; vous le savez bien, et que vous êtes d’une manière dans mon cœur, que je craindrois fort que M. Nicole ne trouvât beaucoup à y circoncire[4] mais enfin telle est ma disposition. Vous me dites la plus tendre chose du monde, en souhaitant de ne point voir la fin des heureuses années que vous me souhaitez. Nous sommes bien loin de nous rencontrer dans nos souhaits car je vous ai mandé une vérité qui est bien juste et bien à sa place, et que Dieu sans doute voudra bien exaucer,

  1. 2. Allusion au dicton populaire : « Le jour de sainte Luce (13 décembre), les jours allongent du saut d’une puce. » A la ligne suivante « et mes amies me prient. » (Édition de 1754.)
  2. 3. Voyez tome VIII, p. 86, note 1.
  3. 4. Voyez tome IV, p. 447, note 6.
  4. 5. Voyez l’Épitre de saint Paul aux Romains, chapitre II, verset 29, et dans les Réflexions morales sur les épitres et évangiles, publiées par Nicole en 1687 et 1688, l’explication de l’évangile du jour de la Circoncision.