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plutôt que celle de Paris, où l’on sent encore plus de n’être pas comme les autres, et où il n’auroit pas la consolation d’être avec sa famille, et de vous avoir pour garde et pour médecin ! c’est ce qui n’a point de.prix. Je ne lui ferai point d’autre compliment que de lui dire que je suis sensible à ses peines.

Mais, mon enfant, pendant que nous sommes sur des sujets de tristesse[1], je vous dirai que les grosses larmes sont tombées de mes yeux, en me représentant[2] le spectacle de ce pauvre doyen[3] pénétré de douleur, le coeur saisi, disant la messe pour ce frère que voilà dans l’église, tout vif encore, mais tout mort dans ce cercueil, qui saigne de tous côtés : ah, mon Dieu ! quelle idée ! le sang coule-t-il d’un corps mort? Oui, puisque vous le dites. Voilà donc ce sang, hélas! qui ne demande pas justice, mais une grande miséricorde ; et ce pauvre doyen, persuadé de sa religion, qui offre ce grand et ce saint sacrifice[4] pour un pécheur dont le salut lui est cher, et dont la manière de mourir est affligeante ; et demande[5]en tremblant miséricorde pour celui qui n’a pas eu le loisir de la demander un seul moment. Ma fille, je ne soutiens pas cette pensée :je crois qu’il n’y a que la distraction et la dissipation qui puissent empêcher qu’elle ne fasse le même effet dans tout le monde[6]. Plus ce pauvre doyen a de foi, plus il est à plaindre ; mais il seroit bien plus à plaindre[7],

  1. 25. « Mais, ma fille (1754 : mon enfant), pendant que nous sommes sur la tristesse. » (Éditions de 1737 et de 1754 .)
  2. 26. « Je vous dirai que les grosses larmes me sont tombées des yeux quand je me suis représenté, etc. » (Édition de 1754.)
  3. 27. Le doyen de la collégiale de Grignan. Voyez la lettre précédente, p. 378 et 379, et la fin de la note 1.
  4. 28, « Ce grand et saint sacrifice. » (Éditions de 1737 et de 1754.)
  5. 29. « Qui demande. » (Édition de 1754.)
  6. 30. « A tout le monde. » (Éditions de 1737 et de 1754.)
  7. 31. « Bien plus à plaindre encore. » (Édition de 1737.)