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eu d’horribles : c’étoit un temps à garder le coin du feu[1] ; temps à ne pas mettre le nez dehors ; temps à ne voir goutte du brouillard, sans préjudice du verglas et de la gelée ; enfin temps tout contraire au vôtre[2], et où pourtant mon fils avoit cinq où six de ses voisins, qui jouoient et faisoient du bruit dans cette chambre. Mais voilà les beaux jours qui font mine de revenir, aussi bien que de croître : ils sont plus doux quelquefois au mois de février et de mars, qu’au mois de mai, dont nous avons été si souvent la dupe à Livry. Vous avez eu Monsieur de Carcassonne ; il avoit raison d’être surpris qu’un homme avec qui il venoit de déjeuner, et qui se portoit aussi bien que lui, tombât mort. Le maréchal de Villeroi[3] dans un cas bien différent, ne vouloit point croire que Monsieur de Genève[4] fùt saint et canonisé, parce qu’il avoit diné vingt fois avec lui à Lyon.

Les intérêts du denier dix-huit de Languedoc ne sont point excessifs : je me doutois bien que ce denier six devoit être expliqué[5] ; on ne le connoît point ici. On sent en mille rencontres la nécessité et la disette d’argent :il il y a des temps où l’on trouve en un moment des marchands pour une marchandise comme celle que vous avez à vendre[6] ;présentement, si on trouve des marchands, ces marchands n’ont point de quoi payer. Je souhaite que vous ne trouviez point ces embarras. Mandez-moi quand vous aurez conclu ce marché, et si le marquis a un bon quartier d’hiver. J’ai bien envie d’apprendre

  1. 9. « Les nôtres ont été si horribles que c’étoit un temps à garder le coin de son feu. » (Édition de 1754.)
  2. 10. « Temps enfin tout contraire au vôtre. » (Ibidem.)
  3. 11. « fût tombé mort. M. le maréchal de Villeroi, etc. » (Ibidem.)
  4. 12. Saint François de Sales, évêque de Genève, mort en 1622, fut canonisé eu 1665.
  5. 13. Voyez plus haut, p. 343, la lettre du 11 décembre précédent.
  6. 14. La compagnie du marquis de Grignan.