Nous lisons Âbbadie[1] et l'Histoire de l'Église.[2] ; c’est marier le luth à la voix. Vous n’aimez point ces gageures : je ne sais comme nous pûmes vous captiver un hiver ici. Vous voltigez, vous n’aimez point l’histoire, et on n’a de plaisir que quand on s’affectionne à une lecture, et que l’on en fait son affaire. Quelquefois pour nous divertir, nous lisons les petites Lettres [3]: bon Dieu, quel charme ! et comme mon fils les lit ! je songe toujours à ma fille, et combien cet excès de justesse de raisonnement seroit digne d’elle ; mais votre frère dit que vous trouvez que c’est toujours la même chose : ah, mon Dieu ! tant mieux ; peut-on avoir un style plus parfait, une raillerie plus fine, plus naturelle, plus délicate, plus digne fille de ces dialogues de Platon, qui sont si beaux ? Mais après les dix premières lettres, quel sérieux, quelle solidité, quelle force, quelle éloquence, quel amour pour Dieu et pour la vérité ! quelle manière de la soutenir et de la faire entendre ne trouve-t-on point dans les huit dernières lettres[4] qui sont sur un ton tout différent ! Je suis assurée que vous ne les avez jamais lues qu’en courant, grappillant les endroits plaisants : mais ce n’est point cela quand on les lit à loisir. Adieu, ma très-aimable[5] : mandez-moi si le marquis
- ↑ 19. Voyez tome VIII, p. 33, note 12, et p. 162, note 6.
- ↑ 20. De Godeau : voyez la lettre du 16 novembre précédent, p. 316 et note 32.
- ↑ 21 Les Provinciales. « Les petites Lettres de Pascal. » (Édition de 1754.)
- ↑ « Et lorsqu’après les dix premières lettres il s’adresse aux révérends pères, quel sérieux, quelle solidité…… quelle manière de la soutenir et de la faire entendre ! c’est tout cela qu’on trouve dans les huit dernières lettres, etc. » (Ibidem.)
- ↑ 23. « Adieu, ma très-aimable » n’est que dans l’édition de 1737. A la ligne suivante, les mots « c’est une consolation, » ne sont que dans celle de 1754.