Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/34

Cette page n’a pas encore été corrigée

28

s’hébéter, de ne point penser, d’être dans l’inaction! c’est un martyre pour une personne aussi vive et aussi active que vous.[1] hélas! comme vous dites, compter les solives, ou vous faire malade[2]est une étrange extrémité. Je rêve souvent à tout cela, je relis vos lettres à loisir ; et comme je n’ai rien du tout à faire, je cause avec vous, ma chère enfant, et je commence ma lettre avant que la vôtre soit arrivée; mais que ce loisir ne vous donne pas la pensée d’en faire autant : conservez-vous et faites écrire Pauline. Je regardois l’autre jour son écriture, elle ressemble tout à fait à la vôtre; son orthographe est parfaite : cela n’est-il pas joli ? enfin, ma chère Comtesse, servez-vous, je vous prie, de ce petit secrétaire, qui me plaît fort[3]Pauline se façonnera fort en écrivant ce que vous pensez; rien ne sauroit être si bon pour elle, ni pour vous.

Nous avons vu les machines de M. de Chaulnes : elles sont admirables, et d’une simplicité sublime. On voit cinq gros jets d’eau dans ce parterre et ces boulingrins, un abreuvoir qui est un petit canal, des fontaines à l’office, à la cuisine, à la lessive, et autrefois il n’y avoit pas de quoi boire[4] Louez-le un peu de son courage, car tout ce pays se moquoit de lui ; il a fait vingt allées tout au travers des choux dans un jeune bois qu’on ne regar-

  1. « Quand le remède consiste à s’hébéter, à ne point penser, à demeurer dans l’inaction! c’est un martyre pour une personne aussi vive et aussi active que vous. » (Edition de 1754.)
  2. 6, ou se faire malade ( Ibidem)
  3. 7. Que j’aime beaucoup. » (Édition de 1737.)
  4. 8. Le duc de Chaulnes avait fait amener les eaux du bourg de Lihons, situé à une demi-lieue de Chaulnes ; il avait en outre fait creuser un puits, qui, à l’aide d’une machine, fournissait des eaux abondantes. (Note de l’édition de 1818.) Dans une des notes du manuscrit de Coulanges cité plus haut (p. 22, note 6), il est parlé de la machine qui élève l’eau du jet nommé le Solitaire.