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L’air de Grignan me fait peur[1] un vent qui déracine ceux dont la tête étoit voisine du ciel,

Et dont les pieds touchoient à l’empire des morts[2], me fait trembler. Je crains qu’il n’emporte ma chère enfant, qu’il ne l’épuisé, qu’il ne la dessèche, qu’il ne lui ôte le sommeil, son embonpoint, sa beauté toutes ces craintes me font transir, je vous l'avoue, et troublent mon repos.[3]Je fus l’autre jour me promener seule dans ces belles allées Mme de Chaulnes étoit enfermée avec notre Rochon[4] Mme de Kerman est délicate je répétois donc pour les Rochers; je portai toutes ces pensées, elles sont tristes je sentois pourtant quelque plaisir d’être seule. Je relus trois ou quatre de vos lettres : vous parlez de bien écrire personne n’écrit mieux que vous : quelle facilité de vous expliquer en peu de mots, et comme vous les placez ! cette lecture me toucha le cœur et me contenta l’esprit. Voici une maison fort agréable; on y a beaucoup de liberté. Vous connoissez les bonnes

  1. LETTRE 1167. -- 1. L'édition de 1737, où la lettre commence seulement ici, donne : « l'air de Grignan me fait peur pour vous, ma fille.
  2. 2. Tel est le texte de 1737, qui donne certainement la vraie leçon. Le premier vers, par trop dénaturé, a empêché Perrin de reconnaître la Fontaine, et il a mis en note « Expressions poétiques- prises de Virgile, au sujet d’un chêne. (On peut voir le livre II des Géorgiques, vers 291 et 292, et le livre IV de l'Enéide, vers 445 et 446.) » -Dans l’édition de 1754, le premier vers se trouve rétabli ainsi : Des arbres dont la tête au ciel étoit voisine. Voyez dans la Fontaine le Chéne et le Roseau, livre I, fable XXII Et fait si bien qu’il déracine Celui de qui la tête au ciel étoit voisine, Et dont les pieds touchoient à l’empire des morts.
  3. 3. Et ne me laissent aucun repos.(Edition de 1754.)
  4. 4, Voyez tome VIII, p. 521, note 3 - Dans l'édition de 1754 :Mme de Chaulnes était enfermée pour des affaires. »