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que je suis toute à vous, et songez qu’il y a un an[1], un an tout entier, que je ne vous ai ni vue ni rencontrée.

1225. -- DE MADAME DE SEVIGNÉ

A MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, mercredi 1è octobre.

LES voilà toutes deux[2] mais, mon Dieu! que la première m’auroit donné de violentes inquiétudes, si je l’avois reçue sans la seconde, où il paroît que la fièvre de ce pauvre chevalier s’est relâchée, et lui a donné un jour de repos ! Cela ôte l’horreur d’une fièvre continue avec ses redoublements[3], et des suffocations, et des rêveries, et des assoupissements, qui composent une terrible maladie. Quel sang! quel tempérament! quelle cruelle humeur de goutte s’est jetée dans tout cela ! Quelle pitié que ce sang si bouillant, qui fait de si belles choses, en fasse aussi de si mauvaises[4], et rende inutiles les autres ! Me voilà encore bien plus avec vous à Grignan, quoique j’y fusse beaucoup, par ce redoublement d’intérêt que je prends à cette maladie[5] Voilà une grande tristesse pour vous tous, et pour vous particulièrement, dont le bon cœur vous rend la garde de tous ceux que vous aimez[6]5 On est exposé, quand on est loin, à écrire d’étranges sot-

  1. 19. « Embrassez-moi, aimez-moi et croyez que je suis tout à vous, et qu’il y a un an, etc. (Édition de 1754.)
  2. LETTRE. 1225.-- 1. « Je reçois deux de vos lettres, ma chère enfant. » (Édition de 1737.)
  3. 2. « Avec des redoublements. » (Édition de 1754.)
  4. 3. « En fasse quelquefois de si mauvaises. » (Ibidem.)
  5. 4. « Par le redoublement d’intérêt que j’y prends depuis cette maladie. » (Ibidem.)
  6. 5. Dans l’édition de 1754, cette phrase vient avant la précédente, et commence ainsi : « Enfin voilâ, etc. »