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abondance est fondée sur ce que je n’ai point reçu votre lettre. Ne craignez point que je devienne anachorète : mon fils m’en empêchera bien et mille gens qui doivent le venir voir, peut-être trop. Il fait le plus beau temps du monde ; je m’en vais reprendre ma vie, mes lectures, mes promenades ; point de serein ! soyez en repos de votre chère maman, qui se conserve pour vous ; conservez-vous pour elle. Je fais mes compliments à Monsieur le chevalier sur la nouvelle dignité de M. de Beauvilliers[1]. Le Roi est bien entré dans le goût du chevalier dans cette occasion ! Sa Majesté fait ainsi trois M. de Beauvilliers d’un seul ; c’est justement ce qu’il y avoit à faire : saint Louis n’auroit pas mieux choisi. Cet abbé de Fénelon est encore un sujet du plus rare mérite pour l’esprit, pour le savoir et pour la piété :[2]je m’en réjouis

  1. .9. « Le Roi a nommé (le 16 août) le duc de Beauvilliers, premier gentilhomme de la chambre et chef du conseil royal des finances, pour gouverneur de Monseigneur le duc de Bourgogne (âgé de sept ans); l’abbé de la Mothe Fénelon pour son précepteur; et le marquis de Denônville, gouverneur de la Nouvelle France, pour sous-gouverneur. » (Gazette du 20 août.) Voyez aussi le Mercure d’août 1689, p. 240-249-
  2. 10. Le Mercure d’août, auquel nous renvoyons dans la note précédente, fait un grand éloge de Fénelon : « L’ancienneté de sa noblesse et les grandes alliances de sa maison sont assez connues. Le séjour qu’il a fait dans le séminaire de Saint-Sulpice est une preuve de sa piété. Il prêche avec cette éloquence qui a donné tant de réputation à saint Jean Chrysostome dans l’Église grecque, et il a fait plusieurs missions avec succès pour la conversion des hérétiques, dont un grand nombre s’est rendu à ses raisons et s’est confirmé dans la foi, encore plus persuadé par son exemple. Nous avons quelques ouvrages de lui, qu’on voit bien qui sont de main de maitre. Il possède parfaitement les belles-lettres, et sait très-bien les langues savantes. Il a l’esprit doux, quoique très-vif, et son humilité et sa modestie font assez connoitre la solidité de sa dévotion. Ses talents sont admirables pour ramener les âmes à Dieu. (Le Roi) est fort assuré qu’un semblable précepteur n’inspirera à ce jeune prince que des sentiments de grandeur, de piété et de sainteté. »