Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/173

Cette page n’a pas encore été corrigée

ce pays ni duc, ni duchesse de Chaulnes ; ils m’ont laissée avec bien du chagrin : ils ont voulu me remettre où ils m’avoient prise[1], et je me suis fait une grande violence pour les refuser ; mais mon voyage ne me servoit de rien s’il avoit été si court, et j’ai pris sur moi de le rendre utile, puisque j’y suis : en ces occasions :

Le coeur voudroit Paris, et la raison Bretagne [2].

Enfin, ma fille, voilà qui est fait. Il m’en a coûté des larmes en voyant partir cette bonne duchesse ; elle ne voulut pourtant pas me dire adieu ; mais j’étois éveillée[3], et je fus touchée de l’état où je la laissois ; car vous saurez que toute la beauté de ce choix et de cette ambassade, qu’elle connoît parfaitement, ne lui ôte rien de l’inquiétude qu’elle a que ce grand voyage ne soit funeste à son mari. Il a été deux fois à Rome  ; mais il a vingt-trois ans plus que la dernière fois qu’il en est revenu[4] : c’est la femme du monde la plus sensible avec cet air que vous connoissez. Ainsi, ma très-chère, je n’ai vu que des larmes et des soupirs en partant de Rennes vendredi, et tout le soir qu’elle fut ici, où M. de Revel la vint conduire : elle en partit hier bien matin ; elle va à grandes journées, parce qu’elle veut trouver encore M. de Chaulnes, qui est aujourd’hui à Versailles[5] : en

  1. LETTRE 1208.-- 1. C’est-à-dire à Paris. (Note de Perrin.)
  2. 2. Nouvelle allusion au vers 20 de la IIè satire de Boileau voyez tome VIII, p. 549.
  3. 3. La duchesse de Chaulnes partit des Rochers le samedi 20 août, à quatre heures du matin. Voyez la lettre du 21 septembre suivant, p. 216.
  4. 4. Il y avait vingt-trois ans depuis le premier voyage, du duc de Chaulnes, mais il n’y avait que dix-neuf ans et demi depuis le dernier, le pape Clément X ayant été élu au mois d’avril 1670 après un conclave de plus de quatre mois.
  5. 5. II eut son audience de congé le 24 août : voyez la Gazette du 27.