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velle de travers il assure qu’il n’est point mort. Ce bienheureux Comtat est une douceur et une grâce de la Providence sur vous, qui me jette dans la reconnoissance pour elle. Vous en faites un fort bon usage ; mais enfin vous bâtissez, cela se gagne. Pour mes affaires de Nantes, j’y donne de bons ordres, elles vont leur chemin, et je mettrai l’abbé Charrier en œuvre, quand il sera temps : le principal, c’est que je dépense très-peu, et que j’envoie de petites lettres de change à Paris, qui sont tout aussitôt dévorées. Si je suis un peu de temps dans ce pays, je serai en état de respirer, car je ne respirois pas. Je serois bien fâchée, ma chère enfant, d’être capable de faire ce que je fais[1] pour avoir de l’argent de reste : je craindrois l’avarice, qui est ma bête ; mais je suis bien en sùreté de cette vilaine passion ; je ne saurois douter au contraire que je ne sois dévorée[2] de l’amour de la justice ainsi je vais sans crainte et sans honte dans le chemin de cette sainte économie que vous approuvez. Elle ne m’a point encore mise en état de douter si c’est elle qui me fait agir :

il y a trop peu que je suis dans un pays où je ne dépense rien.

Je ne vous dis point avec quelle joie, ni avec quelle amitié [3]). ces bons gouverneurs m’ont reçue, et quelle reconnoissance d’être venue des Rochers ici pour les voir. Ils ont vu faire la revue de cette noblesse [4]; ce régiment est fort beau et assez bien instruit. Mon fils recevoit toutes ces louanges avec un cœur qui me faisoit plaisir ; et moi, je songeois que ce n’étoit pas pour être là que je l’avois élevé, et que j’avois commencé sa vie et sa for-



  1. 2. « Tout ce que je fais. » (Édition de 1754.)
  2. 3. « J’ai plutôt lieu de croire que je suis dévorée, etc.  » (Ibidem.)
  3. 4. Avec quelle joie et quelle amitié. » (Édition de 1737
  4. 5 M. de Chaulnes a fait la revue de cette noblesse. »