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bise pour faire achever le bâtiment ; quelle commodité ! elle ne vous manquera pas dans le besoin ; il ne faut pas des persuasions moins fortes. Mandez-moi bien la suite de tout ce qui se passe à Grignan : c’est le théâtre où j’ai le plus d’attention, quoiqu’il ne soit pas le plus important de l’Europ e; mais c’est tout pour moi. Quand je me représente la quantité de monde que vous êtes à Grignan, que c’est cela qui s’appelle être dans son château, à se reposer un peu des autres dépenses, je voudrois en rire, si je pouvois, et je dis : « Elle est emportée par un tourbillon violent, qu’elle.ne peut éviter, qui la suit partout : ; c’est sa destinée; » et en même temps je comprends que Dieu y proportionne votre courage, et cette conduite miraculeuse qui fait que vous êtes toujours en l’air et que vous volez sans ailes. Pour moi, ma chère enfant, je tombe toute plate, et quand je n’ai rien, je n’ai rien. Mes affaires de Nantes vont pitoyablement tout s’est tourné en chicanes, en saisies dont on se défend vingt ans durant. L’abbé Charrier[1] m’offre tous les jours ses soins et ses services, et de venir de cinquante lieues d’ici pour faire un compte où il m’est nécessaire : c’est assez vous dire combien je dois lui être obligée. Nous sommes ici, comme je vous l’ai mandé, avec un temps charmant ; le chaud est agréable ici ; et je vous avoue[2] que les trois heures que je suis dans ces bois toute seule avec Dieu, moi, vous, vos lettres et mon livre, ne me durent pas un moment :il y a quelque chose de doux et d’aimable à cette solitude, à ce profond silence, à cette liberté ; il n’y a que vous que j’aime beaucoup davantage : voilà comme je suis présentement. Vous ne me dites rien de Pauline ; et comment la trouve Monsieur le chevalier? Répondez

  1. 7. Cette phrase manque encore dans l’édition de 1737.
  2. 8. «  Est agréable aux Rochers ; et je vous assure, » (Édition de 1754.)