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un d’Aumont[1], qui donneront au moins mes lettres à Sa Majesté quand je voudrai.

Pour l’inutilité que vous croyez du voyage que je prétends faire à la cour, cela ne me décourage pas. Il y avoit moins d’apparence à mon rappel, après dix-huit ans d’exil, qu’il n’y en a que le Roi me donne quelque chose sur les appointements qu’il me doit, et surtout au déplorable état où sont mes affaires. J’avois demandé vingt fois mon retour sans l’obtenir ; l’heure n’en étoit point encore venue. Le même prince qui refuse aujourd’hui une chose, et qu’il croit lui-même qu’il n’accordera jamais, raccorde au bout de quelque temps. On n’a pas changé les paroles en lui demandant ce qu’il a donné, mais Dieu a changé son coeur; et je prétends si bien faire connoître au Roi la singularité de mon état, qu’il ne croira pas que cela tire à conséquence d’accorder ma requête, et qu’il lui faudra une dureté faite tout exprès pour moi, pour me refuser. Que si mon étoile étoit assez maudite pour endurcir le cœur du prince le plus pitoyable du monde, j’ai pris mon parti sur la négative mais je ne veux pas faire ce tort à Sa Majesté, de croire, sans faire une dernière tentative, qu’elle me refusera justice. Pour des lumières plus grandes que les vôtres sur ce sujet, je n’en veux point chercher quand je vous aurai entretenue deux heures, vous conviendrez avec moi que j’ai raison de faire ce voyage.

Je n’ai point vu la Gazette ; ainsi je ne sais ce qu’on a fait pour Boufflers ou pour les autres ; mais je ne m’en soucie point du tout. Quand on fit Créquy, Bellefonds et

  1. 1LETTRE 1035. 1. Les ducs de Gesvres, d’Aumont et de Beauvilliers étaient premiers gentilshommes de la chambre ; ce dernier avait été reçu en suryivance de la charge du duc de Saint-Aignan, son père. Le duc de Noailles était capitaine des gardes.