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plein de tendresse et de reconnoissance qui mérite aussi qu’on fasse votre éloge. Je sentis d’abord cette perte pour l’amour de vous ; et quelque sensible que vous y soyez maintenant, vous la sentirez encore davantage si vous venez en ce pays-ci, ne trouvant plus cet admirable ami entre le Roi et vous. Le sujet de votre voyagé est triste ; vous trouverez à Versailles peu de disposition à sentir les malheurs des autres; on n’a que les mêmes paroles à dire pour découvrir son état, et elles sont si souvent répétées par la plus grande partie des courtisans, que les oreilles y sont accoutumées, et qu’elles ne sauroient aller jusqu’au cœur. Je sais qu’il y a des circonstances dans vos prétentions qui mériteroient de grandes distinctions mais on n’a pas le loisir de les examiner. En un mot, je meurs de peur que toute votre destinée ne soit malheureuse depuis un bout jusqu’à l’autre. Cependant je ne veux point vous décourager, ni vous paroître un oiseau de mauvais augure. Vous allez avoir des lumières plus vives mille fois que les miennes : notre cher évêque (1) est parti d’ici, vous le verrez bientôt, il connoît ce pays-ci, il vous aime, ses conseils vous seront fort bons et fort utiles.

Je garderai soigneusement la lettre qui contient l’éloge, sans parallèle (2) , de votre généreux ami. Elle fait connoître la perfection de vos deux cœurs et elle me sert comme d’une promesse qui me fait tenir dans votre moitié une partie de celle que vous aviez pour M. de saint-Aignan. Cette succession d’un côté est fort triste, mais de l’autre fort agréable. La Gazette vous aura fait savoir l’élévation de Boufflers (3)

1. LETTRE 1028.– 1. Gabriel de Roquette, évêque d’Autun.

2.C’est encore une allusion critique à l’oraison funèbre de Condé.

3. Le futur maréchal (1693), Louis-François, d’abord chevalier, puis, après la mort de son frère aîné (voyez tome II, p. 505, note 5),