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<reffollow=p 556>Gévres. Les avis étant donnés de part et d’autre, le lieutenant criminel se transporta sur lès lieux,et,parla à M. de Gêvres vendredi au matin, qui dit n’avoir point connoissance du fait, hors que M. de Béthune lui avoit demandé une chambre et que pour ses gardes, ils ne logeoient pas chez lui. Le duc alla ensuite à Versailles, et ayant montré au Roi un certificat de Mlle dé Vaubrun qui porte qu’elle est mariée, il lui demanda pardon, et dit qu’il croyoit n’avoir point fait de mal. Il reçut là-dessus une-réprimande, le Roi lui -remontrant qa’il ne lui avoit point donne le gouvernement de Paris pour ne point maintenir la justice, mais il lui pardonna, et la fille fut ramenée le soir à sa mère. II se trouve qu’il y a eu une permission de Monsieur de Paris, qui dit avoir été surpris par Morange, et une dispense des bans, le mariage s’étant fait dans la chapelle de l’hôtel d’Estrées il y a déjà quelque temps, un jour que le duc et Mme de Vaubrun étoient allés à Gonesse. On croit que M. d’Estrées a consenti à laisser sauver M. de Béthune, qui va en Suisse, mais qu’il veut que l’affaire soit poussée, afin qu’il ait la tête coupée en effigie. On ajoute que non-seulement sa colère est très-grande contre lui, mais contre M. le duc de Gêvres, que M. de Lamoignon et Monsieur le procureur général allèrent voir sur-le-champ pour le désabuser sur ce qu’il pensoit que cette action étoit fort indifférente. II faut aussi que ses gens se sauvent, car ils subîroient la peine portée par les lois. »

Nous soupions hier chez l’abbé Pelletier[1] et M. et Mme de Lamoignon, M. et Mme de Goulanges, M. Courtin,[2] l’abbé Bigorre, Mlle Langlois[3] et votre maman. Personne n’avoit dîné, nous dévorions tous. C’étoit le plus beau repas de carême qu’il est possible de voir : les plus beaux poissons les mieux apprêtés, les meilleurs ragoùts, le meilleur cuisinier; jamais un souper n’a été si solidement bon. On vous y souhaita bien sincèrement; mais le vin de Saint-Laurent[4] renouvela si bien votre,

  1. 27. Jérome Le Pelletier, frère du congroleur général et de Michel Le Pelletier de Souzy. Il était conseiller d'éat, conseiller d'honneur au parlement et prévôt de Pignans en Provence. Il mourut à Fontanebleau , le 17 octobre 1696.
  2. 28. Voyez tomes VI, p. 201, note 45, et IV, p. 458, note 21.
  3. 29. Nous trouvons dans le Journal de Dangeau un abbé et un maître d’hôtel du Roi du nom de Langlois. Serait-ce là sœur de l’un ou de l’autre ?
  4. 30. Ce vin de Provence dont Mme de Grignan envoyait à sa mère