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1687 donna à Monsieur le Prince la vivacité et la fortune, et à M. de Turenne la prudence et la bonne conduite.[1].

Je trouve la noce des petites personnes fort jolie et fort commode ; la mode en pourroit bien venir. Il est vrai que Monsieur d’Autun est fort de mes amis et qu’il est fort aimable. Je ne m’étonne pas que la belle Madelonne soit un peu chagrine de son procès ; il faut être né tout sucre et tout miel pour n’être pas Pimbêche quand on plaide.


à corbinelli.

J’aurai le livre intitulé de la Vérité de la Religion chrétienne, s’il se vend en France. Après l’extrémité où a été depuis peu ma fille de Coligny[2], elle dit qu’elle voit

  1. 2. Pour juger de l’opinion des contemporains, il faut s’entourer des souvenirs qui ont pu la former. La maison de Bouillon venait d’être enveloppée dans une disgrâce générale (voyez la lettre du 8 août 1685 et la note 1, tome VII, p. 444). La cour n’avait pas oublié les circonstances dont avait profité le duc de Bouillon pour arracher à la Reine mère le titre de prince, et la noblesse était choquée de la démarche que cette maison avait faite pour s’élever au-dessus d’elle. Le parallèle en lui-même devait donc mécontenter la cour, et froisser les amours-propres. Mais, on ne peut d’ailleurs se le dissimuler, le grand orateur ne tient pas la balance dans un parfait équilibre. On voit d’un côté Turenne dédaignant la fortune pour ne devoir rien qu’à son génie, tandis que de l’autre, Condé, dominé par des inspirations élevées, mais qui lui sont étrangères, oblige pour ainsi dire le sort à lui être favorable. Turenne semble plus habile, et Condé plus heureux. « L’un paroît agir par des réflexions profondes, et l’autre par de soudaines illuminations ; celui-ci par conséquent plus vif, mais sans que son feu eût rien de précipité… L’un… par la profondeur de son génie et les incroyables ressources de son courage, s’élève au-dessus des plus grands périls, et sait même profiter de toutes les infidélités de la fortune ; l’autre, et par l’avantage d’une si haute naissance, et par ces grandes pensées que le ciel envoie, et par une espèce d’instinct admirable dont les hommes ne connoissent pas le secret, semble né pour entraîner la fortune dans ses desseins, et forcer les destinées. » (Note de l’édition de 1818.)
  2. 3. Voyez les deux lettres suivantes p. 35 et 37.