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II00. -1- DE MADAME DE SÉVIGNÉ ET DU MARQUIS DE GRIGNAN A MADAME DE GRIGNAN.

A Paris, ce mercredi è décembre.

DE MADAME DE SÉVIGNÉ. LE petit fripon.[1], après nous avoir mandé qu’il n’arriveroit qu’hier mardi, arriva comme un petit étourdi avant-hier, à sept heures du soir, que je n’étois pas revenue de la ville. Son oncle le reçut et fut ravi de le voir et moi, quand je revins, je le trouvai tout gai, tout joli qui m’embrassa cinq ou six fois de très-bonne grâce : il me vouloit baiser les mains, je voulois baiser ses joues, cela faisoit une contestation enfin je pris possession[2] de sa tête, je la baisai à ma fantaisie ; je voulus voir sa contusion; mais comme elle-est, ne vous déplaise, à la cuisse gauche, je ne trouvai pas à propos de lui faire mettre chausses bas. Nous causâmes le soir avec ce petit compère; il adore votre portrait, il voudroit bien voir sa chère maman; mais la qualité de guerrier est si sévère, que l’on n’oseroit rien proposer. Je voudrais que vous l’eussiez entendu conter négligemment sa contusion, et la vérité du peu de cas qu’il en fit, et du peu d’émotion qu’il en eut, lorsque dans la tranchée tout en étoit en peine. Au reste, ma chère enfant, s’il avoit retenu vos leçons, et qu'il se ft tenu droit, il était mort mais suivant sa bonne coutume, étant assis sur la banquette[3], il étoit penché sur le comte de Guiche, avec qui il cau-

  1. Lettre 1100. i. « Ce petit fripon. » {Édition de 1754.)
  2. 2. « Je pris enfin possession. » (Ibidem.)
  3. 3. On appelle ainsi, dit Furetîèrè, « un degré ou deux qui régnent tout le long des parapets (ou du revers des tranchées) afin qu’on puisse tirer par-dessus. » Sur le comte de Guiche; voyez ci-dessus, p. 30 et 31, noté 6.