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Je vous recommande, ma chère enfant, un peu de repos, un peu de tranquillité, s’il est possible ; un peu de résignation aux ordres de la Providence, un peu de philosophie ; vous prenez tout sur votre courage, cela fait mal[1] cela est bien aisé à dire ; mais cependant on est insensiblement soutenue par tous ces appuis invisibles, sans lesquels on succomberoit. Je vous conjure, par exemple, de ne point tant écrire : pour moi, le lundi[2]) et le vendredi, je n’écris qu’à vous ; une lettre est peu de chose ; mais vous ne sauriez jamais être de même. Je ne me fatigue point, votre commerce est ma consolation, sans mélange d’aucune peine ; et le mien est pesant, non pas pour votre cœur, mais pour votre santé.

Soleri m’a conté les empressements de recevoir M. de Grignan à Avignon [3] : cela ne me surprend point, après ce que j’ai vu : cette charge a ses beautés et ses grandeurs. On attend avec impatience les nouvelles d’Angleterre : le prince19 est abordé. [4]; l’armée du Roi est considérable, rien ne lui a fait faux bond jusqu’ici ; si cela continue ; il avalera ce téméraire. Nous craignons le bonheur et la capacité de M. de Schomberg. Adieu ma

  1. 15. «... sur votre courage, et la santé en souffre. » (Édition de I754.)
  2. 16. «  Je vous conjure surtout de ne point tant écrire par exempte, le lundi, etc. » (Ibidem.
  3. 18. « M. de Grignan commande dans le Comtat d’Avignon comme en Provence, et les états du pays lui donnent environ vingt mille livres par an, à peu près comme ils donnoient au vice-légat comme commandant dans le pays. Le vice-légat avoit beaucoup de droits sur le spirituel qui grossissoient son revenu. (Journal de Dangeau, 8 avril 1689.)»
  4. Le prince d’Orange avait fait débarquer ses troupes à Torbay le 1 et le 16 novembre. A la date de cette lettre, il était à Exeter, où il était entré le 19. Voyez la Gazette du 37 novembre et celle du 4 décembre.