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vons que nous sommes, vous et nous, tous les jours de la semaine occupés à nous écrire nous nous reposons seulement le jour du Seigneur toutes nos conversations sont de vous, et vous ne pouvez jamais être mieux louée que par ceux qui vous ont vue d’aussi près que nous, dans toutes les choses importantes que vous avez faites pour votre famille surtout le procès nous enchante; mais votre modestie arrête ma plume pour nous dédommager, il faut dire, comme Voiture à Monsieur le Prince « Si vous saviez avec combien peu de respect et de crainte de vous déplaire nous vous admirons ici à bride abattue, vous verriez que nous ne vous aimons pas en aveugles(2):" en sorte que vous ne perdez rien avec nous de toutes les bonnes qualités que Dieu vous a données. Nous vous prions de les inspirer à votre fille; vous ne sauriez rien faire de plus utile pour elle. Il nous semble, ma fille, que si M. de Grignan fait quelque séjour à Avignon(3), vous ne feriez pas mal d’y aller avec lui, pour éviter les visites de votre arrivée, et pour ne point faire une double dépense; mais vous savez comme les conseils de loin sont téméraires: ainsi, ma très-chère, tout ce que vous ferez sera le mieux assurément(4).

2.Mme de Sévigné cite de mémoire ce passage de la lettre que Voiture écrivit au duc d’Enghien, depuis prince de Condé, à l’occasion de la bataille de Rocroi. « Si vous saviez de quelle sorte tout le monde est déchaîné dans Paris à discourir de vous, je suis assuré que vous en auriez honte, et que vous seriez étonné de voir avec combien peu de respect, et peu de crainte de vous déplaire, tout le monde s’entretient de ce que vous avez fait. » {Les OEuvres de M. de Voiture, édition de 1672, p. 298.) 3. M. de Grignan fut chargé du gouvernement du Comtat. Voyez la Notice, p. 278 et 283, et ci-après, p. 285, note 18. -Dans l’édition de 1754 « doit faire quelque séjour à Avignon. ». 4. Tout ce que vous ferez sera assurément le mieux. (Édition de 1754.)