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répondre je me suis laissée aller à la tentation de par1er de moi à bride abattue, sans retenue et sans mesure. Je vous en demande pardon, et je vous assure qu’une autre fois je ne me donnerai pas une pareille liberté; car je sais, et c’est Salomon qui le dit, que celui-là est haïssable qui parle toujours de lui Notre ami Corbinelli dit que pour juger combien nous importunons en parlant de nous, il faut songer combien les autres nous importunent quand ils parlent d’eux. Cette règle est assez générale mais je crois m’en pouvoir excepter aujourd’hui, car je serois fort aise que votre plume fût aussi inconsidérée que la mienne, et je sens que je serois ravie que vous me parlassiez longtemps de vous. Voilà ce qui m’a engagée dans ce terrible récit; et dans cette confiance je ne vous ferai point d’excuses, et je vous embrasse, mon cher cousin, et la belle Coligny.

Je rends mille grâces, à Mme de Bussy de son compliment on me tueroit plutôt que de me faire écrire davantage.

Il est dit plusieurs fois dans les livres sapientiaux, et particulièrement dans l1 Ecclésiastique, que le bavard est haïssable. Ainsi au chapitre ix, verset a5 Temerarius in verbo suo odibilis erit; au chaj-ilre xx, verset 5 Est odibilis qui procax est ad loquendum; au chapitre xxxvir, verset s3 Qui sophistice loquitur odibilh est; mais nous n’avons pu trouver cette épithète de haïssable appliquée au bavard « qui parle toujours de lui. »

5. Bussy a sauté dans sa copie les mots récit et dans; ils ont été ajoutés d’une autre main, en interligne.