Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 8.djvu/134

Cette page n’a pas encore été corrigée

l 2O ™–

16S7

̃ tois dans votre société sans lui, nous n’aurions jamais ri ensemble; vous lui devez toute ma gaieté, ma belle humeur, ma vivacité, le don que j’avois de vous bien entendre, l’intelligence qui me faisoit comprendre ce que vous aviez dit et deviner ce que vous alliez dire en un mot, le bon abbé, en me retirant des abîmes où M. de Sévigné m’avoit laissée1, m’a rendue telle que j’étois, telle que vous m’avez vue, et digne de votre estime et de votre amitié. Je tire le rideau sur vos torts; ils sont grands, mais il les faut oublier, et vous dire que j’ai senti vivement la perte de cette agréable source de tout le repos de ma vie. Il est mort en sept jours, d’une fièvre continue, comme un jeune homme, avec des sentiments très-chrétiens, dont j’étois extrêmement touchée car Dieu m’a donné un fonds de religion qui m’a fait regarder assez solidement cette dernière action de la vie. La sienne a duré quatre-vingts ans j il a vécu avec honneur, il est mort chrétiennement Dieu nous fasse la même grâce Ce fut à la fin d’août que je le pleurai amèrement. Je ne l’eusse jamais quitté s’il eût vécu autant que moi. Mais voyant au i5c ou 16e septembre que je n’étois que trop libre, je me résolus d’aller à Vichy, pour guérir tout au moins mon imagination sur des manières de convulsions à la main gauche, et des visions de vapeurs qui me faisoient craindre l’apoplexie. Ce voyage proposé donna envie à Mme la duchesse de Chaulnes de le faire aussi. Je me joignis à elle; et comme j’avois quelque envie de revenir à Bourbon, je ne la quittai point. Elle ne vouloit que Bourbon j’y fis venir des eaux de Vichy, qui réchauffées dans les puits de Bourbon, sont admirables. J’en ai pris, et puis de celles de Bourbon ce mélange est fort bon. Ces deux rivales se sont raccommodées ensemble, ce n’est Lettre io4/« i- Voyez la Notice, p. 53 et suivantes.