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Un peu après la mort de ce cher oncle, je me résolus d’aller à Bourbon, où je ne voulois point aller crainte de le quitter. J’ai fait ce voyage avec Mme la duchesse de Chaulnes; je m’y suis guéri l’imagination, et la crainte que j’avois de certaines vapeurs que je croyois importantes, et qu’on m’a dit qui ne le sont point vrai ou faux, je suis contente, et n’ai point de regret à mon voyage. Il y a six jours que j’en suis revenue. Ma fille m’a dit que vous m’aviez écrit pour me réveiller; eh bien mon cher Monsieur, me voilà réveillée. Vous dites aussi (car tout cela n’est que par ouï-dire, Mme de Grignan n’ayant pas manqué de perdre la lettre), vous dites donc que vous avez une sentence qui dit qu’il est plus aisé de se séparer du monde, que de s’accoutumer à l’oubli de ses amis, n’est-ce pas? Sur cela, Monsieur, j’ai un beau champ pour vous rassurer, en vous disant de bonne foi que vous êtes l’homme du monde que j’oublie le moins. Quand on vous connoît. qu’on a goûté la sorte d’agrément de votre esprit, et la bonté de votre cœur, il n’est pas aisé de vous effacer; vous faites une impression qui dure. Je parle de vous quand j’en trouve l’occasion votre rival est toujours prêt j’en parle encore à d’autres, à temps, à contre-temps9 en un mot, Monsieur, ôtez de vos chagrins celui de croire qu’il soit aisé de vous oublier dites à votre sentence qu’elle n’est plus capable de vous humilier par sa réflexion, et que je suis toujours pour vous tout ce que j’ai été et serai toute ma vie.

9. C’est Vopportime, importune, de saint Paul, Épitre lia Tlmothée, chapitre rv, verset 2.

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