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1687 heureuse que celles qui sont passées ; que la paix, le repos et la santé vous tiennent lieu de toutes les fortunes que vous n’avez pas et que vous méritez ; enfin que vos jours désormais soient filés de soie ; mais surtout plus d’enchantements ; car, afin que vous le sachiez, le charme étoit double : il étoit jeté sur moi comme sur vous, et nous sentions sa force par le souvenir continuel que nous avions de vous deux, M. de Corbinelli et moi, et par l’impossibilité où nous étions de le rompre. Nous faisions quelquefois des efforts, comme des gens qui dorment et qui veulent nager ou courir, mais nous les faisions inutilement comme eux. Nous ne mangions point à la vérité de saumons qui nous donnassent occasion de vous souhaiter ; mais dès que nous avions un peu d’esprit, ou que l’air de Livry, le chocolat, ou le thé avoit réveillé notre vivacité, nous étions au désespoir de ne vous avoir pas, et nous faisions scrupule de rire sans vous. Qui ne croiroit qu’au moins nous vous l’aurions mandé le lendemain ? Mais non, l’enchantement étoit trop fort, il falloit une nouvelle année ; et la voilà qui tire le rideau, qui nous rend la liberté, et qui me fait commencer dès les premiers jours un commerce où nous gagnons beaucoup.

Je suis toujours ravie de revoir de la joie dans votre esprit ; que vous cherchiez à vous amuser, et à mettre en œuvre tout ce que vous avez emporté de ce pays-ci. Vos vers sont jolis et aisés, et font souvenir agréablement de vous. La lettre à Mlle de Ragni nous a réjouis, mais celle que vous écrivez à la petite dame de Paris est encore au-dessus[1]. Elle se défend fort joliment. Je ne puis croire que vous n’ayez point aidé à ce qu’elle vous mande en vers de ses vapeurs, et de la raison qui fit

  1. Lettre 1008. — 1. Voyez tome VII, p. 533 et 534.