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1680 Mettez-vous à ma place, et vous trouverez que tous mes sentiments sont bien naturels. On me mande que le chevalier se porte quasi bien ; je crois que son voyage ne sera guère retardé. Parlons du vôtre : tâchez de ne vous point mettre dans le mauvais temps, et faites provision de forces pour un si long trajet : il me semble que les voyages ne vous font pas des maux extraordinaires[1]. Mme la princesse de Tarente, qui, à propos, vous fait mille et mille amitiés, dit et assure qu’elle ne se porte jamais si bien que quand elle fait le tour du monde ; elle a été deux fois en Danemark ; n’est-ce pas ce qui s’appelle voyager ? Je veux vous faire deux ou trois questions. Mlle de Grignan a-t-elle envie de revoir Paris ? Ou, si tout d’un coup elle se met où elle veut être, où veut-elle être[2] ? Est-ce Saint-Étienne ou les Carmélites qu’elle choisit[3] ? Son zèle est-il mitigé ou à la rigueur ? N’amenez-vous pas votre fils ? Je vous fais toutes ces questions agréablement dans mon loisir, et vous m’y répondrez dans le vôtre. Faites-moi conter par la Pythie toute la république qui va s’assembler à Grignan. Nous avons toujours un temps parfait ; nous lisons beaucoup, et je sens le plaisir de n’avoir point de mémoire ; car les comédies de Corneille, les œuvres de Despréaux, celles de Sarasin, celles de Voiture, tout cela repasse devant moi sans m’ennuyer ; au contraire. Nous donnons quel-

  1. 2. « Il me semble que vous ne vous trouvez point trop mal des voyages que vous faites. » (Édition de 1754.).
  2. 3. « … de revoir Paris ? se met-elle tout d’un coup où elle veut être ? » (Ibidem.)
  3. 4. Ce fut aux Carmélites du faubourg Saint-Jacques, où des raisons de santé ne lui permirent pas de rester longtemps ; mais quoiqu’elle ait vécu depuis dans le monde, elle en a toujours été retirée, pour ne s’occuper que des exercices de la plus haute piété. Elle est morte le 19 février 1735. (Note de Perrin, 1737.)