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1680 qui, comme vous savez encore, dispute en perfection ; les lettres de Corbinelli, les voilà quatre ; et moi, je suis le but de tous leurs discours : ils me divertissent au dernier point. M. de Montmoron sait votre philosophie, et la conteste sur tout ; mon fils soutenoit votre père, le Damaie le soutenoit aussi, et les lettres s’y joignoient ; mais ce n’est pas trop de trois contre Montmoron : il disoit que nous ne pouvions avoir d’idées que de ce qui avoit passé par nos sens ; mon fils disoit que nous pensions indépendamment de nos sens : par exemple, nous pensons que nous pensons ; voilà grossièrement le sujet de l’histoire : cela se poussa fort loin et fort agréablement ; ils me réjouissoient beaucoup. Si vous aviez pu vous mêler dans cette dispute par vos lettres, comme Corbinelli par les siennes, vous auriez fortifié le bon Sévigné. Au reste, il est toujours fort incommodé, quoiqu’il se croie en sûreté : je le crois aussi ; mais il est malade des remèdes, aussi bien que vous ; il en a fait dont il n’avoit pas besoin ; ils ont agi sur son sang, et l’ont mis dans un tel mouvement, qu’il en est survenu de ces effroyables élevures qui donnent du chagrin à ceux qui les ont et à ceux qui les voient : mon fils est donc bien heureux d’avoir un peu de temps pour se reposer.

J’admirois hier comme il est aisé de nous consoler du jeu par quelque chose de meilleur, et comme nous prenons patience aussi, quand nous dépensons, comme je disois à Rennes, notre pauvre bien en pièces de quatre sous. Mais, sans vouloir vous contrefaire, car je hais les mauvaises copies des meilleurs originaux, je vous dirai que mon âge et mon expérience me font souhaiter comme un besoin de n’être pas toujours dissipée, et de remettre souvent des esprits dans ma pauvre tête : c’est, en vérité, ce que je fais tous les jours ou dans mon cabinet, ou dans ces bois. Il me semble que vous voulez savoir quelle