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1680

853. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, dimanche 15e septembre.

Que mon cœur vous a d’obligation ! et que vous l’avez mis à

son aise, en lui donnant la liberté de vous espérer cet hiver. J’ai relu bien des fois cette aimable lettre que je souhaitois si tendrement ; et je disois : « C’est mon enfant qui me parle, et qui m’assure qu’elle vient à Paris un peu après la Toussaint. » C’est une douceur incroyable que de trouver dans sa poche une telle consolation. 

Vous m’étonnez du secret que fa it cette fille toute sainte[1] à Mme du Janet de ses belles et bonnes intentions : il est si naturel de parler de ce qu’on desire et dont le cœur est plein, que c’est déjà se mortifier que de garder le silence en cette occasion ; c’est son humeur d’en user ainsi ; elle en parle uniquement à son père, parce que c’est lui qui règle le temps d’un séjour qu’elle seroit fâchée qui fût plus long. Elle veut bien s’ôter la douceur de communiquer ses desseins, ils n’en sont que plus affermis dans son cœur.

Je ne vois point d’ici ce qu’est devenue toute cette presse qui surmontoit votre château : il me semble que je vous avois laissée dans la rue des Orfèvres à la foire Saint-Germain[2], sur les quatre à cinq heures du soir ;

  1. Lettre 853. — 1. Mlle de Grignan. Voyez la lettre du 18 août précédent, p. 24 et 25. Mme du Janet a été nommée au tome III, p. 335, et au tome IV, p. 217.
  2. 2. Voyez tome II, p. 104, note 5. Avant l’incendie de 1762, « les halles sous lesquelles se tenoit cette foire, et qui avoient été construites par ordre du cardinal Briçonnet (ou peut-être par ordre de son fils Guillaume, qui fut abbé de Saint-Germain des Prés en 1507 : la foire avait été établie au profit de l’abbaye, propriétaire des terrains), passoient pour un des plus hardis morceaux de charpente qu’il fût pos-