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1686 rac, en comptant le fonds du douaire de quarante mille écus. C’est assez honnêtement pour ne pas plaindre la sœur, et pour être bien aise que cette maison soit soulagée de ce double payement. Je vous avoue que j’ai été fort touchée de cette douceur faite si à propos, et j’admire que son bon naturel lui ait fait faire sans art la seule chose qui étoit capable de lui redonner du prix dans sa famille, où elle est présentement agréée et considérée comme la bienfaitrice. L’esprit seul auroit dû faire cet effet dans une autre personne ; mais il vaut mieux que le cœur tout seul y ait eu part. Ma fille a si joliment contribué à cette petite manœuvre, qu’elle en a eu une double joie. Le chevalier y a fait aussi des merveilles ; car vous jugez bien qu’il a fallu aider, et donner une forme à toutes ces bonnes volontés[1]. Enfin tout est à souhait ; Mlle d’Alerac même a fort bien compris la justice de ce sentiment. Je prie Dieu qu’il l’en récompense par un bon établissement, dont la Providence nous cache tellement encore toutes les apparences, que nous n’y voyons rien du tout. N’est-ce point vous accabler, Monsieur ? voilà un long récit : vous aurez une indigestion de Grignans.

Pour vous divertir, parlons un moment de ce pauvre Sévigné : ce seroit avec douleur, si je n’avois à vous apprendre qu’après cinq mois d’une souffrance terrible par des remèdes qui le purgeoient jusqu’au fond de ses os, enfin le pauvre enfant s’est trouvé dans une très-parfaite santé. Il a passé le mois d’août tout entier avec moi dans cette solitude que vous connoissez ; nous étions seuls avec le bon abbé, nous avions des conversations infinies, et cette longue société nous a fait un renouvellement de connoissance, qui a renouvelé notre amitié. Il s’en est retourné chez lui avec un fonds de philosophie chré-

  1. 6. Voyez la Notice, p. 249 et 250.