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1686 tout comme à l’ordinaire, et nous donnant la même édification. Elle demeure à Paris, aux Feuillantines[1], où elle est pensionnaire comme beaucoup d’autres ; elle y retournera à la Saint-Martin, quand nous irons à Paris ; et ce qui l’attache à cette maison, c’est le voisinage des Carmélites, où elle va quasi tous les jours, et y entre quand il y a quelque princesse. Elle prend tout ce qui lui convient de ce saint couvent, c’est-à-dire la spiritualité et la conversation, et laisse la rigueur de la règle, dont elle n’étoit point capable. C’est ainsi que Dieu l’a conduite et l’a repoussée doucement de ce haut degré de perfection où elle aspiroit, pour la soutenir dans un autre un peu au-dessous, qui ne peut être que très-bon, puisqu’il lui donne la grâce de l’aimer uniquement, qui est tout ce qu’il y a dans le monde à souhaiter. Mais cette même Providence lui a inspiré la plus belle, la plus juste et la plus estimable pensée qu’il est possible d’imaginer pour sa famille. Elle n’a point voulu que son retour à la vie ôtât à Monsieur son père ce qu’elle vouloit lui donner par cette mort civile ; elle lui a fait à sa sortie une donation entre-vifs, très-bien conditionnée, de quarante mille écus qu’il lui devoit : savoir vingt mille écus en fonds, et vingt mille écus d’arrérages et de quelques sommes prêtées. Ce présent a été estimé de tous ceux non-seulement qui aiment M. de Grignan, mais de ceux qui savoient que tout son bien, étant devenu meuble à vingt-cinq ans, si elle n’eût disposé de rien par testament, alloit quasi tout entier à son père, et que de plus M. de Grignan devra encore quatre-vingt mille écus à Mlle d’Ale-

  1. 5. L’établissement d’un couvent de feuillantines à Paris, dans la rue Saint-Jacques, vis-à-vis des Carmélites, remonte au mois de novembre 1622. Il fut fondé par Anne Gobelin, femme de Charles d’Estourmelle, premier capitaine des gardes du corps. Ce couvent n’existe plus ; il a été converti en propriétés particulières.