1686 avoir pour lui : le coup est double pour le moins. Je le trouvai tout instruit, et touché autant qù’on le peut être de tout ce que vous valez ; il doit passer ici pour aller à la Trousse ; je lui montrerai votre lettre, et je ne crois pas qu’elle l’oblige à changer d’avis. Vous avez présentement M. de Noailles : vous êtes si bien à cette cour, que je veux me réjouir avec vous du plaisir que vous aurez de voir un homme à qui vous avez inspiré une si forte estime. Je comprends le dérangement que vous fait celui de vos états ; mais vous ne pouvez vous dispenser d’aller à Nîmes[1].
Il faut que je vous parle de celui de Mlle de Grignan. Je suppose que vous savez qu’elle est entrée aux grandes Carmélites il y a huit mois[2], et y a[3] pris l’habit en cérémonie, avec un zèle trop violent pour durer. Dans les trois premiers mois, elle s’est trouvée si accablée de la rigueur de la règle, et sa poitrine si offensée de la mauvaise nourriture, qu’elle étoit contrainte de manger gras par obéissance. Cette incapacité de faire cette vie, même dans le noviciat, l’a obligée de sortir, mais avec une dévotion, une humiliation de sa délicatesse, et une si grande haine pour le monde, que les saintes religieuses ont conservé pour elle une tendre et véritable amitié ; et elle, qui n’a changé que d’habit, et point du tout de sentiments, n’a point la mauvaise honte de celles qui veulent changer de vie, et elle est présentement avec nous ici,
- ↑ 2. Les états, qui se tenaient ordinairement à Toulouse ou à Montpellier, s’assemblèrent cette année à Nîmes. Voyez la Gazette du 9 novembre.
- ↑ 3. On lit en effet dans le Journal de Dangeau, à la date du 20 janvier 1686 : « Mlle de Grignan l’aînée s’est mise dans les carmélites. La résolution qu’elle a prise rendra Mlle d’Alerac sa cadette un parti très-considérable ; on croit qu’elle aura cinq cent mille francs de biens. »
- ↑ 4. Les mots et y a manquent dans la première édition (1773)