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de charles de sévigné.

J’ai[1] trouvé ici une de vos lettres, ma petite sœur, et j’ai vu en même temps celle que vous avez écrite à ma mère ; j’en ai pensé mourir de rire, malgré les terreurs dont j’ai été frappé deux ou trois jours ; elles commencent un peu à se dissiper, et j’espère que si ma maladie n’a pas un beau nom en grec, elle pourra au moins se nommer en françois sans faire rougir personne. L’épingle de M. de Grignan, et la tendresse avec laquelle vous lui avez fait crier les hauts cris pendant deux nuits, et le beau nom d’arthritis, dont on a baptisé une goutte fort ordinaire, tout cela nous a paru digne d’un cadre ; mais que dites-vous de la peinture que ma mère vous fait des femmes qu’il faudroit étouffer entre deux matelas ? Elle est vraiment d’après nature, et nous espérons aussi qu’elle aura son cadre. L’étoile de Monsieur d’Évreux l’a défait de son vieux prédécesseur ; celle du chevalier devient de jour en jour plus favorable. Je commencerois à trembler si l’un des deux vous avoit épousée ; mais celle de M. de Grignan me rassure ; je crois pouvoir y résister quelque temps ; et quoiqu’on dise que le bien arrive d’ordinaire avec la goutte, comme il ne s’agit encore que de l’arthritis, cela me met l’esprit en repos. Je vous remercie du sérieux intérêt que vous prenez à mes affaires ; elles sont dans une situation bien dangereuse ; la Providence en disposera. Adieu, ma belle petite sœur : je vous embrasse et M. de Grignan aussi. Je me porte fort bien au moins.


  1. 21. Cette apostille ne se lit que dans l’édition de 1754.