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1680 maison ? Elle disoit, quand elle étoit chargée de la sienne, qu’il y en avoit mille à louer ; il ne lui en faut pas tant. Il seroit fâcheux qu’elle vous fît un embarras pour revenir ; et si par malheur vous ne reveniez pas, on pourroit en faire un meilleur usage que de vous laisser toujours cette petite dépense sur les bras. Je songe toujours à vos intérêts grands et petits ; c’est à vous que j’en parle tout droit.

On me mande que la Reine est fort bien à la cour[1], et qu’elle a eu tant de complaisance et tant de diligence dans ce voyage, allant voir toutes les fortifications, sans se plaindre du chaud ni de la fatigue, que cette conduite lui a attiré mille petites douceurs. Je ne sais si les autres ont aussi bien fait. Madame la Dauphine disoit l’autre jour, en admirant Pauline de Polyeucte[2] : « Eh bien ! voilà la plus honnête femme du monde qui n’aime point du tout son mari. » Comment se porte le vôtre, que vous aimez et que j’aime aussi ? Comment va l’épingle ? Ne m’embrasse-t-il aujourd’hui que de la main gauche ? Pour moi, je me sers de mes deux bras, mais légèrement, de peur de le blesser[3]. Adieu, ma très-chère et très-aimable : vos lettres nous ont servi d’un grand amusement. Nous remettons votre nom dans son air natal[4] ; croyez, ma fille, qu’il est célébré partout où je suis ; il vole, il vole jusqu’au bout du monde, puisqu’il est en ce pays[5].

  1. 16. Le Roi, sous l’influence de Mme de Maintenon, s’était rapproché de la Reine.
  2. 17. Dans notre manuscrit : « Pauline et Polyeucte. »
  3. 18. Dans notre manuscrit, qui termine ici la lettre, on lit : « de peur de les blesser. »
  4. 19. Voyez tome IV, p. 269, note 3, et la Notice, p. 37, note 1.
  5. 20. Cette dernière phrase se trouve déjà, avec quelques différences, à la fin du premier alinéa de la lettre, qui a été omis par Perrin. Y avait-il dans l’original une répétition faite à dessein, ou bien l’éditeur, à qui ces sortes de transpositions sont assez ordinaires, a-t-il porté à la fin de la lettre la fin du paragraphe supprimé ?