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1685 j’entreprendrai de consoler[1] son mari. Coulanges sait une chanson faite tout exprès pour lui chanter cet hiver. En l’état où étoit cette pauvre personne, peut-on souhaiter autre chose pour elle et pour sa famille ? Ah ! ma bonne, que la lie de l’esprit et du corps sont humiliants à soutenir[2], et qu’à souhaiter il seroit bien plus agréable de laisser de nous une mémoire digne d’être conservée, que de la gâter et la défigurer[3] par toutes les misères que la vieillesse et les infirmités nous apportent ! J’aimerois les pays où par amitié on tue ses vieux parents, s’ils pouvoient s’accommoder avec le christianisme[4]. Je ne doute point, ma bonne, que vous ne demandiez la réponse de votre lettre avec beaucoup de crainte et de tremblement ; j’en tremble d’ici et de mille autres choses qui ont rapport à cet endroit si important ; je rêve beaucoup sur toutes ces affaires, mais comme vous y pensez bien mieux que moi, je vous épargnerai l’ennui d’entendre mes réflexions. Nous sommes ici fort seules ; nos petits hommes soupèrent lundi en gaudeamus chez la Marbeuf[5]. Votre frère n’est pas bien net de sa petite émotion[6], et va paroître avec son joli habit ; c’eût été dommage qu’il eût été inutile ; et celui de Coulanges qui

  1. 17. Notre autographe commence ici, avec les mots de consoler
  2. 18. Tel est le texte de l’original ; dans l’édition de 1754 : « Ah ! ma chère enfant, que la lie de l’esprit et du corps est humiliante à soutenir. »
  3. 19. « Que de la gâter et défigurer. » (Édition de 1754.)
  4. 20. « Si cet usage pouvoit s’accommoder avec le christianisme. » (Ibidem.) — Tout ce qui suit, jusqu’à « fort seules, » manque dans cette édition.
  5. 21. « Chez la bonne Marbeuf. » (Édition de 1754.)
  6. 22. « De sa légère émotion. » (Ibidem.) — À partir d’ici l’édition de 1754 ne donne plus que la phrase : « J’ai eu des conversations, etc., » et les derniers mots : « Quand viendra sainte Grignan ? » Quant à notre autographe, il s’arrête dès à présent, après les mots et va paroître avec.