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1685 nous permettra cette parfaite joie, quoiqu’il n’y eût rien au monde de si aisé que d’y mêler quelque amertume, si nous le voulions ; mais il n’y auroit pas un moment de repos dans cette vie, et c’est une bonté de la Providence que nous fassions trêve aux tristes réflexions qui seroient en droit de nous accabler journellement, soit pour nous, soit pour nos intimes : il est donc question, ma très-chère, de respirer et de vivre.

J’entre bien aisément dans les raisons de Mlle de Grignan pour ne point s’attacher à Gif[1] : il est certain qu’après avoir été à l’école de saint Augustin[2], elle se trouveroit à l’école de Molina, et que ce changement ne seroit pas soutenable. Je vous approuve fort de souhaiter de la ravoir chez vous, comme le bonheur de votre maison et l’édification de toute votre famille. Ne pourriez-vous point faire dire à cette sainte fille que je l’honore toujours[3] infiniment ? J’ai eu si longtemps le bonheur de vivre avec elle, que je voudrois bien n’en être pas oubliée entièrement. Nous causerons quelque jour sur la destinée des deux sœurs ; il faut laisser faire Dieu, comme dit Monsieur d’Angers[4] et regarder sans cesse sa volonté et sa providence ; sans cela, il n’y a pas moyen de vivre en ce monde, et on ne finiroit jamais de se plaindre de toutes les pauvres causes secondes.

Voilà un morceau de lettre de la bonne Marbeuf, que je trouve tout à propos, pour vous faire juger, sans que vous puissiez en douter, de l’état de ma jambe. Il est

  1. Lettre 967. — 1. Voyez les lettres du Ier et du 8 octobre 1684, p. 292 et 300.
  2. 2. C’est-à-dire aux Carmélites du faubourg Saint-Jacques. (Note de Perrin.) — On a bien peu de détails sur Mlle de Grignan pour les quatre années qui précèdent son entrée à Gif : voyez la Notice, p. 248 et suivantes.
  3. 3. Le mot toujours manque dans la petite édition de 1754.
  4. 4. Henri Arnauld.