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1680 peu des moindres maux ; si j’étois en votre place, j’aurois obéi ponctuellement à la Rouvière[1] ; j’essayerois mille petits remèdes inutiles pour en trouver un bon ; et mon impatience et mon peu de vertu me feroient une occupation continuelle de l’espérance d’une guérison.

Mme la princesse de Tarente est charmée de votre souvenir ; elle trouva hier fort plaisant le récit que vous faites du bon usage de l’eau de la reine d’Hongrie pour la piqûre de M. de Grignan, et comme en françois vous appelez la goutte ce que les médecins appellent poliment arthritis : il y a des endroits dans vos lettres qui sont divins. Elle me conta qu’en Danemark il y avoit un prince allemand qui s’enfonça une épingle dans le côté, mais c’étoit dans une étrange occasion qu’il avoit rencontré cette épingle : il n’en souffla pas, et deux mois après la gangrène s’y mit ; il fallut faire des incisions : je voulois qu’elle nous le fît mourir tout d’un train. Mais enfin, si M. de Grignan s’étoit blessé de la même manière, voyez ce que diroit Pauline de votre jalousie[2].

Mon fils est toujours à Rennes, faisant des merveilles auprès de Sylvie : c’est le nom de baptême de la Tonquedette ; je n’ai jamais vu un garçon si malheureux en fricassée ; vous avez vu que la dernière dont il vous a parlé n’étoit point dans de la neige[3]. Mme de Lavardin, Mme de la Fayette, et Mme de Coulanges m’assurent fort que nous trouverons cet hiver quelque moyen de le tirer de la place où il est, dont le dégoût seroit insupportable, si M. de la Trousse répandoit froidement dans le monde

  1. 12. Voyez tome VI, p. 314, note 16.
  2. 13. C’est sans doute, si ce passage n’est point altéré, une allusion à quelque parole d’enfant que Mme de Grignan avait redite à sa mère.
  3. 14. Voyez le mot de Ninon que Mme de Sévigné rapporte dans la lettre du 8 avril 1671, tome II, p. 150.