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1685 l’honneur de le connoître. Toutes les apparences, Madame, sont que Mayeul de Rabutin étoit déjà de bonne maison, puisque les chartes qui parlent de lui le nomment parmi les grands seigneurs du Mâconnois ; mais il est certain qu’il étoit homme d’honneur, puisqu’il nous paroît comme garant de la foi d’un souverain.

J’aurois bien souhaité de trouver de plus grandes particularités de sa vie, et de vous pouvoir rapporter quelques-unes de ses campagnes, de vous faire voir de ses lettres d’amour, et de vous découvrir s’il n’a point eu affaire à quelque infidèle aussi bien que ses descendants : je n’en voudrois pas jurer, car ce n’est pas d’aujourd’hui que le changement plaît à votre sexe, et même le changement de bien en mal, plutôt que de ne pas changer ; mais enfin, ne pouvant avoir de mémoires de tous ces détails, il nous faut contenter de savoir qu’il y a plus de cinq cents ans que Mayeul de Rabutin étoit un homme de qualité.

Si les morts prennent encore dans l’autre monde quelque intérêt à leur postérité, je ne doute pas que Mayeul n’ait du chagrin du peu d’établissement de la sienne, vu le mérite des Amé, des Claude, des Christophle[1] et de quelques autres de ses descendants ; mais comme il voit beaucoup d’exemples ailleurs de pareilles injustices, je crois qu’il prend patience, et d’autant plus qu’il voit en vous, Madame, tant de vertus et tant d’agréments de corps et d’esprit, qu’il semble que Dieu ait voulu le récompenser de tous les malheurs de sa maison par une personne aussi extraordinaire. J’aurois moins de peine à persuader cette vérité que notre noblesse, Madame, car celle-ci dépend de contrats qu’on peut falsifier, et votre mérite est établi par le témoignage de toute la France.

  1. 3. Voyez ci-dessus, p. 390 et 391, notes 2-4.