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1685 passés. Je ne sais si c’est la sympathie des petites herbes qui me guérit à mesure qu’elles pourrissent en terre ; j’avois envie d’en rire, mais les capucins en font tous les jours des expériences : je voudrois bien savoir ce qu’en dit Alliot. Je ne sais donc si c’est la cérémonie de ces petits enterrements deux fois le jour, ou si c’est la lessive ou le baume ; mais il est toujours vrai que je n’ai point été comme je suis, et que si cette guérison n’est pas véritable, je n’en irai chercher qu’auprès de vous. Voilà, ma chère bonne, des vérités dont je vous conjure de ne pas douter ; mais vous me dites quelque chose en passant, comme si vous ne disiez rien, qui m’a fait une terrible impression : c’est que si je reviens pour cette jambe, vous ne courrez pas le risque de vous en aller de votre côté, pendant que je serai ici. Ma fille, que me dites-vous ? ne me trompez point là-dessus, ce seroit pour moi une douleur insupportable : vous m’assurez que je vous trouverai au commencement de septembre, et que vous serez encore dans toutes vos affaires ; pour moi, je presse et dispose les miennes sans y perdre un moment : j’ai une terre à raffermer, j’ai mille choses trop longues à dire ; mais dans une telle extrémité, je ferois bien, pour vous voir et pour vous embrasser, ce que je voulois faire pour ma jambe ; ainsi gouvernez-moi avec votre sagesse d’un côté, et votre amitié de l’autre. Vous savez mes affaires, vous savez combien je vous aime, vous savez aussi vos engagements, gouvernez-moi ; et à moins qu’il ne soit arrivé quelque changement dans vos affaires, songez à la quantité que vous en avez à finir, et qu’il n’y a plus que trois mois jusqu’à celui que nous souhaitons ; car je compte que nous sommes au mois de mai : je me fie enfin et me confie en vous de ma destinée. Il est vrai que vous devez bien me compter pour un de vos malades, puisque l’éloignement ne vous empêche