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1685 tenant droite[1]; il faut recommencer. Je crus être dimanche au souper de l’hôtel de Chaulnes, et ce fut un dîner lundi : enfin vous abusez de ma crédulité. Bon Dieu! la plaisante histoire, et plaisamment contée, que celle de Bouquet ! quelle confusion à l’ancienne maison des Bouquets ! la bouquetière Glycera n’en est-elle point offensée ? Je vous avoue que je n’eusse jamais imaginé une telle aventure. Cette personne si fière, ce pauvre innocent, qui ne savoit pas l’eau troubler[2]! Ce qui me ravit, c’est la récidive : mais ces grands frères sont bien importuns avec leurs grandes épées ; dites-moi comment ils ont pu surprendre une promesse. Soyez sûre, ma fille, que je n’ouvrirai pas la bouche de tout cela : outre que vous m’en priez, et que c’est assez, c’est que j’en ferois scrupule.

L’histoire de cet abbé roué est affreuse ; il étoit de fort bonne maison, demandez à Corbinelli. C’eût été une belle lumière de l’Église ! Il est vrai que quand on a lu la destinée de ce .pauvre misérable, il faut prendre du sel de soufre, dont je me trouve fort bien : huit jours sous terre, la tête en bas, ah! j’étouffe ; mais peut-on être huit jours sans manger ? Il y a d’étranges étoiles : voyez que cet abbé a bien profité du vol de cette lettre de change : voilà de quoi nous sommes capables quand Dieu nous abandonne.

Le bien Bon est tout à fait revenu de ses éblouissements : il ne voyoit goutte, il ne pouvoit se soutenir, j’étois tout effrayée. Je vous écrivis une lettre, que j’ai mise dans mon cabinet, et que je vous enverrai peut-être ; ce sont des pensées que je vous jette, et dont vous ferez l'usage que vous trouverez à propos. J’en ferois

  1. 2. Voyez la lettre précédente, p. 363 et 364.
  2. 3. C’est sans doute une allusion à la fable du Loup et de l’Agneau.