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1685 piété pour vouloir ôter tout ce qui fait la bénédiction de la maison de Monsieur. » Comme je ne l’ai point entendu répéter vingt fois, je vous avoue que cela m’a paru fort plaisamment tourné. Mme de Lavardin est fort contente d’une visite que vous lui avez faite ; j’en suis ravie, et je vous en remercie bien plus que de celle que mon nom vous a fait faire. Mme de Lavardin est bonne à consulter sur tout ; je suis assurée qu’elle vous consola des trois monstres que vous aviez vus : j’aime de tout mon cœur cette bonne et ancienne amie.


Mardi 30e.

Notre huile n’a pas beaucoup avancé depuis vingt-quatre heures ; il ne faut point que votre poudre s’en offense ; il n’est point question qu’elle guérisse si promptement, pourvu qu’elle guérisse. J’ai lu avec bien du plaisir une lettre de Corbinelli, où, par votre ordre, il me rend compte d’une dispute fort agréable, qui fut jugée avec beaucoup de justice par l’abbé de Polignac[1] :

  1. 5. Melchior de Polignac, frère cadet de celui qu’on supposait devoir épouser Mlle d’Alerac (plus haut, p. 286), fils de Louis-Armand, vicomte de Polignac, marquis de Chalençon, et de Jacqueline de Beauvoir Grimoard du Roure, sa troisième femme. Né au Puy-en-Velay, le 11 octobre 1661, il fut ambassadeur en Pologne (1693), auditeur de rote (1706), plénipotentiaire à Utrecht (1712), créé cardinal (1713), puis nommé à l’archevêché d’Auch (1726). Il est l’auteur du poëme latin intitulé l’Anti-Lucrêce, et fut reçu à l’Académie française en 1704, à l’Académie des sciences en 1715, et à celle des belles-lettres en 1717. Il mourut à Paris le 20 novembre 1741. « C’étoit, dit Saint-Simon (tome V, p. 94 et 95), un grand homme très-bien fait, avec un beau visage, beaucoup d’esprit, surtout de grâces et de manières, toute sorte de savoir, avec le débit le plus agréable, la voix touchante, une éloquence douce, insinuante, mâle, des termes justes, des tours charmants, une expression particulière : tout couloit, tout persuadoit. Personne n’avoit plus de belles-lettres ; ravissant à mettre les choses les plus abstraites à la portée commune, amusant en récits, et possédant l’écorce de tous les arts, de toutes les fabriques, de tous les