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trouble souvent ; je suis impatiente de savoir comme cette colique sans colique s’est passée : parlez-moi de vous le plus souvent que vous pourrez. Je vous conseille de laisser là les étrennes ; cela est bon quand on est ensemble, pour en rire : je pleurerois bien, si je voulois, ma chère bonne, en songeant que nous n’y sommes pas.


946. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, mercredi 27e décembre.

Sans savoir vos définitions, ni vos preuves sur l’amitié, je suis persuadée que je les trouve naturellement en moi : ainsi je n’ai pas balancé à donner ce baume si précieux à la meilleure partie d’un tout dont je ne suis que la moindre. Si j’étois dans le cas de prévoir qu’il pourroit m’être nécessaire, cela seroit encore mieux ; mais j’avoue bonnement que je n’ai plus aucune néphrétique, et que je n’en ai jamais eu qui méritât un si grand remède : gardez-le donc bien soigneusement. Je comprends l’émotion que le petit Beaulieu vous a causée, cela est naturel : j’ai bien passé par ces sortes de surprises. Il vous a conté ma sagesse ; il est vrai que je ne me jette point dans les folies d’autrefois : insensiblement il vient un temps qu’on se conserve un peu davantage. Il fait un soleil charmant : on se promène comme dans les beaux jours de l’automne. J’ai bien pensé à vous à cette nuit de Noël ; je vous voyois aux Bleues[1], pendant qu’avec une extrême tranquillité nous étions ici dans notre chapelle. Votre frère est tout à fait tourné

  1. Lettre 946. — 1. Voyez tome V, p. 347, note 7.