Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/339

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1684 quoi mon fils s’étoit obligé pour vous dédommager ; il en a toujours eu le dessein, et il se trouve trop heureux que l’abbé lui rende cette promesse, et qu’il vous ait fait un autre présent d’un effet, dont à peine mon fils avoit connoissance, quoique ce fût de son propre bien, et dont, par conséquent, la privation ne lui sera jamais sensible. Il en a remercié le bon abbé, comme on remercie un bon père qui a couronné toutes ses œuvres par avoir fait son mariage, comprenant fort bien que sans cela il étoit absolument rompu. On redresse les esprits à force de causer et de faire entendre la raison. Enfin voilà qui est fait, et il ne se peut rien de mieux, ni pour vous, ni pour le repos de ma vie, et cela passe jusqu’après moi, où je ne vois et ne laisse que la paix entre mes enfants et entre mes amis intimes : c’est où j’en voulois venir, et je n’ai pas perdu mon voyage.

Je vous envoie aussi ce que j’ai de plus précieux, qui est ma demi-bouteille de baume tranquille[1]. je ne pus jamais l’avoir entière ; les capucins n’en ont plus : c’est avec ce baume qu’ils ont tiré la petite personne[2] des douleurs de la néphrétique. Ils vous prient de vous en frotter le côté, c’est-à-dire dix ou douze gouttes avec autant d’esprit d’urine : il faut que cela soit chaud, et qu’il pénètre et s’insinue dans le mal : ils prétendent que cela est divin, comme pour le grand mal de gorge. Je voudrois de tout mon cœur que vous n’en eussiez point de besoin ; mais n’étant pas assez heureuse pour l’espérer, je vous conjure d’en essayer. Votre santé me

  1. 2. Ce baume, qui est encore très-fréquemment employé en médecine, avait été inventé par un des capucins du Louvre, Aignan, en religion frère Tranquille. Voyez les Observations critiques sur un livre du sieur Aignan intitulé : l’Ancienne médecine, Paris, 1702, p. 15.
  2. 3. Voyez la lettre du 5 novembre précédent, p. 305, et celle du 29 avril 1685, p. 388.