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1680 autres : je la regarde comme un vase d’élection, comme une créature choisie et distinguée, comme une âme remplie de la grâce de Jésus-Christ, et cette séparation me paroît une faveur si particulière, que je la considère avec respect, et je ne puis enfin envisager l’état de Mlle de Grignan sans envie[1].

Voici un changement par l’arrivée de M. de Vendôme. Il y a dix ans que vous êtes gouverneurs[2] ; c’est une belle place, et peu de gens ont joui si longtemps d’un tel interrègne : on ne le sent pas pendant qu’il dure, et ce n’est que par la privation qu’on voit ce qu’on a perdu[3]. Je ne voudrois pas ne vous avoir point vue[4] dans votre royaume ; M. et Mme de Chaulnes ont réveillé mes idées sur la beauté de ces souverainetés : ce sont des rôles qui plaisent plus ou moins, selon qu’on est disposé. C’étoit une étrange chose que d’avoir ensemble une Provence, le nom de Grignan et l’autorité du Roi[5]. Je ne sais si les Provençaux donneront bien à bride abattue dans la nouveauté ; mais je crois qu’un peu de réflexion leur fera connoître la différence, comme vous dites, d’un Grignan tout désintéressé et tout généreux, et d’un secrétaire tout

  1. 3. « Et que je regarde avec envie l’état de Mlle de Grignan. » (Édition de 1754.)
  2. 4. M. le comte de Grignan, lieutenant général pour le Roi en Provence, y commandoit depuis l’an 1670, en l’absence de M. le duc de Vendôme, qui en étoit gouverneur. (Note de Perrin.) — Voyez ci-dessus, p. 16, note 9.
  3. 5. « Et ce n’est que la privation qui fait voir ce qu’on a perdu, » (Édition de 1754.)
  4. 6. « Je serois fâchée de ne vous avoir point vue. » (Ibidem.)
  5. 7. « C’étoit une chose bien agréable en Provence que d’avoir réuni l’autorité du Roi avec le nom de Grignan. » (Ibidem.) — Le texte de 1737 n’a ni cette phrase ni tout ce qui suit, jusqu’à : « Ce qui me console » (p. 26). Celui de 1754 a encore le commencement de la phrase suivante, jusqu’aux mots : « dans la nouveauté, » et ne reprend également qu’à : « Ce qui me console. »