Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/282

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


chose à une substance qui pense, que de n’oser penser. Je remercie les beaux yeux de Mlle d’Alerac des larmes qu’ils ont répandues pour moi ; mais, mon Dieu ! quels remerciements n’aurois-je point aussi à vous faire de tant de tendresse, de tant de douleur ? Ah ! il faut passer cela bien vite : croyez, en un mot, que mon cœur est à vous, que tout vous y cède, et vous y laisse régner souverainement.


1684

932. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

À Amboise, samedi au soir 16e septembre.

Je n’ai point de vos nouvelles, ma très-chère, et c’est la chose du monde que je souhaite le plus présentement. Je vous ai écrit d’Étampes et d’Orléans[1] ; je vous envoyois l’excuse du bon abbé du Pile[2] : lui seul nous étoit bon car pour Mme de Pont[3], dont je vous avois parlé, et qui a bien de l’esprit et du mérite, mon oncle l’abbé en eut une telle frayeur, qu’il ne vivoit plus. J’allai donc le matin la voir ; elle cause en perfection ; je lui fis entendre ce qui m’empêchoit de la prier de s’embarquer avec nous ; elle l’entendit joliment, et voyant combien il falloit peu languir avec elle, j’eus peur à mon tour d’être obligée d’avoir de l’esprit treize ou quatorze heures durant, dans mon carrosse, qui est devenu ba-

  1. Lettre 932. — 1. La lettre écrite d’Orléans ne s’est point retrouvée parmi les originaux. (Note de Perrin.)
  2. 2. L’abbé de Pile, dont il est parlé dans une note du tome VI (p. 65, note 7), devait être alors à Venise, et il est très-peu vraisemblable qu’il s’agisse de lui ici.
  3. 3. Elle étoit Bossuet, et cousine germaine de Monsieur de Meaux. (Note de Perrin.)