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1684 vous avez mis au rang de vos malheurs de ne l’avoir point épousée ; vos meilleures amies étoient révoltées contre votre bonheur : c’étoient Mme de Lavardin et Mme de la Fayette, qui vous coupoient la gorge. Une fille de qualité, bien faite, avec cent mille écus ! ne faut-il pas être bien destiné à n’être jamais établi, et à finir sa vie comme un misérable, pour ne pas profiter des partis de cette conséquence, quand ils sont entre nos mains ? Le marquis de*** n’a pas été si difficile : la voilà bien établie. Il faut être bien maudit pour avoir manqué cette affaire-là : voyez la vie qu’elle mène ; c’est une sainte, c’est l’exemple

    avait épousé en août 1679 Yves, marquis d’Alègre, d’une ancienne famille d’Auvergne, alors colonel du régiment de dragons du Roi ; elle mourut à soixante-cinq ans, le 28 mai 1723. Son mari devint maréchal de France en 1724, se remaria la même année avec Madeleine d’Ancézune de Caderousse, et mourut à près de quatre-vingts ans, le 9 mars 1733. Leur fille aînée fut mariée en 1696 au marquis de Barbezieux. Deux notes de Saint-Simon au Journal de Dangeau ne permettent pas de douter que la marquise d’Alègre ne soit la personne dont il s’agit ici et dans la lettre du 25 octobre 1679 (tome VI, p. 67 et 68). « D’Alègre, dit-il (tome VI de Dangeau, p. 469), longtemps depuis maréchal de France, en 1724, avoit épousé une belle femme, d’esprit très-romanesque, fille d’un riche président de Toulouse, dévote et minaudière à l’extrême, qui lui meubla une fois une maison de campagne des plus superbes brocarts d’or en tapisserie et en chaises, qui une autre fois lui mit un remboursement de deux cent mille livres en tableaux de dévotion ; que le cardinal de Coislin (évêque d’Orléans, dont le neveu avait épousé la sœur du marquis d’Alègre) rattrapa, ayant passé à pied à Orléans, allant, disoit-elle, à la Thébaïde, toujours mise à ravir et magnifique à tout, hors à payer ses dettes. » Et tome X, p. 239 : « D’Alègre ne fut pas heureux en famille. Sa femme, riche héritière d’un président de Toulouse, étoit une dévote à triple carat, et folle au centuple, que le cardinal de Coislin fit arrêter une fois, proche d’Orléans, ivre de la lecture des Pères du Désert, et allant seule de son pied chercher les déserts, tandis qu’on la cherchoit à Paris, d’où elle s’étoit échappée. » — Mme de Sévigné ne fait retrouver la marquise d’Alègre qu’à Rouen ; mais on peut bien croire qu’à la première nouvelle de l’équipée on en fit courir plus d’une histoire embellie.