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1683 de chagrins. Il y a des temps dans la vie bien difficiles à passer ; mais vous avez du courage au-dessus des autres, et (comme dit le proverbe) Dieu donne la robe selon le froid. Pour moi, je ne sais comme vous m’avouez dans votre rabutinage. Je suis une petite poule mouillée, et je pense quelquefois : « Mais si j’avois été un homme, aurois-je fait cette honte à ma maison[1], où il semble que la valeur et la hardiesse soient héréditaires ? » Après tout, je ne le crois pas, et je comprends par là la force de l’éducation. Comme les femmes ont permission d’être foibles, elles se servent sans scrupule de leur privilége ; et comme on dit sans cesse aux hommes qu’ils ne sont estimables qu’autant qu’ils aiment la gloire, ils portent là toutes leurs pensées, et cela forme toute la bravoure françoise, plus ou moins, selon les tempéraments[2]. Voilà un discours qui s’est trouvé assez inutilement au bout de ma plume ; mais je m’en vais vous en consoler en la laissant à notre ami Corbinelli, qui vous dira tout ce qu’il sait de nouvelles, après que j’aurai embrassé le père et la fille de tout mon cœur, en les conjurant d’être toujours l’un à l’autre la consolation de leur vie[3].


de corbinelli.

Je n’ai rien à ajouter, Monsieur, à la peinture que vous fait Madame votre cousine de sa foiblesse et de votre force. Je suis bien aise que vous ayez recouvré votre santé : c’est un chemin bien court pour aller à la joie, malgré tous les embarras de la vie, qui ne prennent leur force[4] que de la disposition de nos tempéraments.

  1. « À une maison. » (Manuscrit de la Bibliothèque impériale.)
  2. 3. « Selon leurs tempéraments. » (Ibidem.)
  3. 4. Notre manuscrit donne leurs vies, au pluriel.
  4. 5. « Leurs forces. » (Manuscrit de la Bibliothèque impériale.)