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1683 frappe l’oreille, qui convertit, mais celui qui touche le cœur et qui se fait entendre intérieurement ? Il a beau planter et arroser, c’est le Seigneur qui donne l’accroissement[1]. Il sort à tout moment de ces principes. Je voudrois que vous fussiez en état de le remettre dans votre église : quelle consolation et pour vous et pour lui ! C’est un aimable homme, il a beaucoup d’esprit et de lumière, avec la douceur et la simplicité d’un enfant. Je voudrois que vous nous entendissiez quelquefois mêler notre critique[2] aux admirations publiques du P. Bourdaloue.

Ma fille veut toujours vous écrire ; elle ne songe point encore à son chemin ; elle attend des nouvelles du Coadjuteur, qui veut accommoder l’affaire de M. d’Aiguebonne[3] : ils seront si sots, qu’ils prendront la Rochelle[4] ; car si cela est, n’ayant plus d’affaires au conseil, ils prendront la route de votre château ; et s’il faut plaider, ils s’établiront au conseil, ma fille devenant, comme Mme de Guitaut, comtesse de Pimbêche. Ainsi nous attendons le dénouement de nos destinées et de notre séparation, sur quoi je vous ai mandé mes sentiments.

Il y a douze jours que je suis enrhumée d’une manière à faire peur, car j’avois une poitrine bridée et douloureuse, et une petite fièvre avec cela compose tout aussitôt une maladie mortelle. Je voulus, pour obvier, passer un peu par les mains de notre beau Passerat ; il me fit une saignée admirable, après avoir examiné près d’une heure avec quel soin la Providence cache mes veines aux yeux des plus habiles chirurgiens. Il fut ravi

  1. 5. Mme de Sévigné a écrit arouser. — Voyez la 1re Épître de saint Paul aux Corinthiens, chapitre III, versets 6 et 7.
  2. 6. Voyez le commencement de la lettre suivante.
  3. 7. Voyez la Notice, p. 273 et suivantes. — Le comte d’Aiguebonne était frère de la comtesse de Bury.
  4. 8. Mot de Bassompierre. Voyez tome IV, p. 293, note 8.