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1681 Mazarin, où personne n’avoit mis de ceux à qui il envoya des lots.

Si ce temps dure, un chemin sûr aux belles filles pour se sauver, ce sera de passer par les mains du Roi. Je crois que comme il dit aux malades qu’il touche : « Le Roi te touche, Dieu te guérisse ; » il dit aux demoiselles qu’il aime : « Le Roi te baise, Dieu te sauve. »

J’envoyai mon fils à l’armée sous le nom de Rabutin[1] ; mais comme à la cour on l’appela Bussy, parce que je n’y étois pas, j’ai consenti que ce nom lui demeurât. Pour les ornements dont vous eussiez souhaité que j’eusse embelli ce nom-là, c’est une matière si souvent rebattue entre vous et moi, et sur laquelle je vous ai témoigné tant de repos d’esprit et tant de philosophie, que j’ai peine à croire que vous ne vous regardiez en cela plus que mon intérêt ; mais je vous dirai encore une fois que j’ai souhaité d’être maréchal de France, que j’ai fait tout ce qu’il falloit pour le devenir, et que lorsque j’ai vu que la fortune ne le vouloit pas, je me suis accommodé à son caprice. J’ai voulu sur cela ce qui lui plaisoit ; c’est une plaie qui est entièrement fermée, et je me soucie aujourd’hui si peu du titre de maréchal, qu’avec ce que j’ai fait à la guerre pour le mériter, je voudrois avoir dix mille livres de rente plus que je n’ai, et ne m’appeler que baron.

Savez-vous bien, Madame, qui sont ceux qui doivent être toujours fâchés quand on élève des gens aux grands honneurs de la guerre ? Ce sont des personnes de naissance qui n’y ont jamais été, car il dépendoit d’eux d’y aller. Mais quand un homme de qualité a fait beaucoup

  1. 4. Dans le manuscrit de la Bibliothèque impériale : « sous le nom d’Épiry de Rabutin ; » mais d’Épiry a été biffé par Bussy. Deux lignes plus loin, le même manuscrit porte : «  que ce nom-là lui demeurât. »